vendredi 6 février 2009

Des axiomes mathématiques

En lisant Le moine et le philosophe, je suis tombé sur cette citation de Alan B. Wallace (tirée de Science et Bouddhisme, à chacun sa réalité) :
Les axiomes mathématiques étaient considérés jusqu'à récemment comme des évidences qu'il n'était pas nécessaire de prouver. Or au siècle dernier des mathématiciens ont suggéré que les postulats d'Euclide, par exemple, ne sont ni vrais ni faux, ce sont simplement les "règles du jeu." [...] Il est maintenant devenu clair que les axiomes mathématiques sont directement ou indirectement dérivés de notre expérience, et qu'on ne peut donc dire que les mathématiques embrassent des lois d'une réalité totalement indépendante de l'expérience.

Cette citation exprime très bien l'approche mathématique moderne. Il est courant de rencontrer des gens qui pensent que les mathématiciens sont à la recherche de vérités ultimes et que leurs travaux sont totalement objectifs. Or, seul le processus mathématique est objectif, les bases sur lesquelles on construit les théorèmes, les axiomes, sont purement subjectives.

On se donne des règles de façon arbitraire, puis, en procédant selon les seules lois de la logique, on développe une théorie complexe et cohérente. Cependant, cette théorie n'est jamais plus "réelle" ou "vraie" que les axiomes qui la supportent et comme ces derniers ne sont pas plus objectifs que des dogmes religieux, on peut développer une théorie mathématique qui n'est pas plus "vraie" que ceux-ci.

Nombre de mathématiciens étudient des objets abstraits qui n'ont aucune ressemblance avec les objets que l'expérience quotidienne nous amène à rencontrer. Toutefois, la majorité des mathématiciens (dont moi-même) étudions des théories mathématiques qui reposent sur des axiomes qui ont été formulé de telle sorte qu'ils représentent le plus fidèlement possible le monde qui nous entoure.

Lorsqu'on fait des mathématiques, ce qui nous intéresse c'est le processus mental, le cheminement logique qui nous mène des axiomes aux théorèmes les plus complexes. Quiconque prétend que ces théorèmes s'appliquent au réel fait un acte de foi qui n'est pas plus valable et qui l'est tout autant que l'acte de foi que fait celui qui choisit de suivre une religion.

5 commentaires:

  1. Je ne sais pas comment tu choisis tes critères de validité, mais entre le développement des religions qui a mené à des guerres (croisades, guerres de religion, ...) et le développement des mathématiques et de leurs applications qui me permet de te répondre, pour moi il n'y a pas photo. On peut dire que c'est la foi du charbonnier, mais au moins elle ne mène pas au bucher.

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  2. «On se donne des règles de façon arbitraire» -- grande blague

    «seules lois de la logique» -- qui elles, sont divines ?

    «[les résultats déductifs] ne sont pas plus objectifs que des dogmes religieux» -- vous avez une preuve de l'existence de Dieu ?

    «la majorité des mathématiciens (dont moi-même) étudions des théories mathématiques qui reposent sur des axiomes qui ont été formulé de telle sorte qu'ils représentent le plus fidèlement possible le monde qui nous entoure. » -- vous parlez de quoi ? ZFC ? En quoi est-ce fidèle au monde qui vous entoure ? Vous manipulez souvent des ensembles au petit-déjeuner ?

    «Quiconque prétend que ces théorèmes s'appliquent au réel fait un acte de foi qui n'est pas plus valable et qui l'est tout autant que l'acte de foi que fait celui qui choisi -sic- de suivre une religion.» -- La méthode scientifique vous semble "moins valable" qu'un acte de foi ? On ne demande pas aux matheux de construire des modèles proches de la réalité, c'est évident, et pourtant les physiciens, eux, considèrent que l'outil mathématique est outil extrêmement performant... Ce sont des intégristes, selon vous, s'ils pensent que les math décrivent mieux la réalité que la Bible ?

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  3. Hum... il semble bien que vous m'avez tout les deux fort mal compris.

    En réponse à N:
    «On se donne des règles de façon arbitraire» -- grande blague

    C'est pourtant comme cela que les mathématiques fonctionnent.

    «seules lois de la logique» -- qui elles, sont divines ?

    Absolument pas. Elles sont humaines.

    «[les résultats déductifs] ne sont pas plus objectifs que des dogmes religieux» -- vous avez une preuve de l'existence de Dieu ?

    Non. La science ne baigne pas dans le monde religieux et il n'est donc pas en son ressort de prouver l'existence d'une quelconque déité.

    «la majorité des mathématiciens (dont moi-même) étudions des théories mathématiques qui reposent sur des axiomes qui ont été formulé de telle sorte qu'ils représentent le plus fidèlement possible le monde qui nous entoure. » -- vous parlez de quoi ? ZFC ? En quoi est-ce fidèle au monde qui vous entoure ? Vous manipulez souvent des ensembles au petit-déjeuner ?

    Oui, par exemple, la théorie de Zermelo-Fraenkel fait en sorte que l'analyse réelle donne des résultats cohérents avec les observations physiques : les suites convergent comme l'intuition et l'expérience suggèrent qu'elles doivent le faire et nous ne sommes pas aux prises avec des fonctions monstrueuses.

    -- La méthode scientifique vous semble "moins valable" qu'un acte de foi ?

    Non. Pourquoi le serais-ce ? Dans le domaine de la description de l'univers, la méthode scientifique est une approche qui a tous les mérites, y compris celui de permettre l'auto-critique.

    On ne demande pas aux matheux de construire des modèles proches de la réalité, c'est évident, et pourtant les physiciens, eux, considèrent que l'outil mathématique est outil extrêmement performant... Ce sont des intégristes, selon vous, s'ils pensent que les math décrivent mieux la réalité que la Bible ?

    Les physiciens utilisent les mathématiques qui se basent sur des axiomes en concordance avec les observations. Je pourrais très bien inventer des objets mathématiques qui n'auraient pas plus de raisons d'être utilisés par les physiciens que la Bible ou le Coran.

    Mais là-dessus, attention. Les écrits religieux sont souvent truffés de contradictions et pour cette raison n'ont pas la force d'une théorie mathématique cohérente.

    J'ignore si cela clarifie mon opinion où si mes commentaires ne font que vous confondre davantage... Il y aura fort probablement un article subséquent pour éclairer mes propos.

    P.S. : Merci, N, de m'avoir fait remarquer une erreur de grammaire.

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  4. Ce qui m'amuse (j'ai parlé de «grande blague»), c'est que je prétends que vous ne pouvez pas définir «l'arbitraire» des règles des mathématiques, et encore moins le caractère «humain» des lois de la logique. (D'ailleurs, sur ce dernier point, les neuropsychologues seraient enclins à penser que vous avez tort. Quant à l'arbitraire, historiquement, il s'est souvent révélé faux.)

    Vous dites : «il n'est pas du ressort [de la science] de prouver l'existence d'une quelconque déité.» Imaginez qu'une religion affirme que π = 3 ou que le Soleil tourne autour de la Terre. Ce serait étonnant, non ? Est-il du ressort de la science de prouver le contraire ? Par ailleurs, Pascal n'a-t-il pas étudié les probabilités pour prouver l'existence de Dieu ? Là encore, vous aurez bien du mal à définir le «domaine de vérité» du religieux vis-à-vis du «domaine» mathématique.

    Vous dites que ZF permet de faire converger les suites «comme l'intuition et l'expérience [le] suggèrent». Voyons voir. Prenons une suite dans un espace topologique (E,T). Par exemple, une suite de rationnels qui converge vers un irrationnel. Si vous choisissez E = ℚ, vous voilà bien embêtés... La suite «converge en intuition et en expérience», mais elle ne converge en définitive pas vraiment. Plusieurs autres exemples vous montreraient qu'ici, une fois de plus, le relation entre réalité et mathématiques est difficile à tracer.

    Enfin, j'aimerais bien voir vos «fonctions monstrueuses» et vos «objets mathématiques qui n'auraient pas plus de raison d'être utilisés par les physiciens que la Bible ou le Coran.» Il y a quelques années, les fractales étaient taxés de «monstre». Aujourd'hui, elles sont utilisées dans de nombreuses branches de description de la 'réalité'.

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  5. Un peu de philosophie...
    Les mathématiques sont la seule science a priori.
    Les axiomes sont connus a priori et le développement des mathématiques (équivalences et implications) ne font que préciser det développer ce que l'on sait déjà.
    L'ensemble de ce que l'"on sait déjà" est la forme de notre connaissance toute entière contenue dans l'espace et le temps, soit le réel. Il faut donc faire confiance aux mathématiques pour ce qui concerne le réel.
    Tout ce qui se trouve en dehors (de l'espace et du temps) , est du domaine métaphysique. Il ne faut pas comparer mathématiques et religion car elles ne jouent pas sur le même terrain.
    Ainsi, les religions concernent un domaine auquel notre forme de connaissance n'a pas accès. D'où cette "foi" nécessaire à tout croyant.
    Pour ma part, je suis agnostique et je pense qu'être croyant nécessite une faculté intuitive que je ne possède malheureusement pas. Deuxième hypothèse: la croyance est une forme de malhonnêteté intellectuelle provenant d'une angoisse métaphysique (peur absurde de la mort, existence sans sens, ...)

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